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Gérard Xuriguera, critique d’art

 

La taille directe, le geste d’ôter pour construire, le goût du beau métier, n’ont pas déserté le vocabulaire de nombre de sculpteurs. Ainsi, forte des acquis légués par les générations antérieures, la pratique de Jean-Christophe Couradin ne réfute pas l’apport de la tradition, mais aménagée à son usage. Adossé à une technique très contrôlée, le sculpteur s’est donc créé un univers bien à lui, à partir des propriétés du bois, déjà une sculpture en soi. Il y a libéré sa faculté d’invention, dans le respect des lois fondatrices de ses dispositifs structurels. A ceci prés, qu’il a choisi de se mesurer à des bois particulièrement durs et indociles, tels l’acajou de Pernambouc, l’ébène de Macassar, voire le palissandre de Madagascar, où le traitement de la matière, soumise à l’épreuve de la gouge, exige une attention scrupuleuse. S’ensuit alors une quête patiente de la forme la plus épurée, tournée vers la plus radicale simplification. Longuement travaillée par petites touches répétées, la masse originelle voit ses contours s’amincir, ses flancs s’incurver, son axe médian s’évaser ou se resserrer, des rainures en creux s’installer et se faufiler en spirale, de légers renflements coniques se lever, des ondoiements se profiler, des chevauchements s’ajuster, jusqu’à ce que le velouté des courbes et la logique de leurs enchaînements s’accordent dans la synthèse. Ici, pas de terminaisons effilées, de perforations inopportunes, rien que des rondeurs galbées, des enveloppements et des déroulements ourlés d’une sensualité tranquille, entre fluidité et compacité, rusticité et préciosité, délicatesse et robustesse, alliés à la rigueur de la conception. Pas non plus d’identification à un quelconque référent, si ce n’est dans l’imaginaire de chacun, mais quelque chose d’organique ou de minéral, d’apollinien et de dionysiaque, à peine rompu par d’inévitables changements de rythmes, qui confèrent à ce langage dépouillé, son charme et son authenticité. Et par delà ces considérations, le dialogue établi avec ce matériau vivant et familier qui semble remonter du tréfonds de la mémoire, est avant tout une histoire personnelle, nourrie de l’intérieur. Maintenant, outre les jeux d’ombre et de lumière, on relève également des miroitements soyeux qui modulent la texture des épidermes, des formes fragmentées et allongées jamais disjointes, d’autres ramassées en éventail et parées de rares nuances claires, qui diversifient le rendu et sa signification. Finalement, l’énoncé conduit à son expression la plus surveillée, nulle sécheresse n’altère la veine effusive de ses balancements étudiés. Au contraire, s’affirme la vision d’un véritable humaniste, maître de son style et de ses élans, qui n’ignore pas, comme le soulignait Oscar Wilde, que « la simplicité est peut-être le refuge des choses compliquées ».

 

 

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